Bleu-Rouge-Jaune, la palette des Primitifs modernes
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Longtemps appréciés suivant des critères n’ayant rien à voir avec l’esthétique, rassemblés sous une même étiquette alors que leurs univers picturaux diffèrent fortement, les Primitifs modernes font depuis quelques années l’objet de bienheureuses révisions. Dégagés du primitivisme qui marqua la première moitié du XXe siècle et qui influa beaucoup sur leur reconnaissance, le temps est venu de porter sur leur œuvre un autre regard et, tout en cherchant à mieux cerner les rapports qu’ils ont pu entretenir avec la modernité, d’envisager une lecture plus picturale de leur travail. C’est dans ce dessein que le présent accrochage se propose de mettre en lumière l’importance de la couleur dans la peinture de certains des Primitifs modernes. L’emploi d’une palette de couleurs vives, l’usage assez fréquent des couleurs primaires, caractérisent en effet les œuvres d’André Bauchant, Camille Bombois, Séraphine Louis, Louis Vivin, et de celui qui fut considéré comme leur père, Henri Rousseau.
Animant leurs toiles d’une lumineuse gaieté, cet emploi peu académique et simplifié des couleurs invite également à s’interroger. Ne serait-ce pas l’une des raisons pour lesquelles la peinture des Primitifs modernes intéressa tant les avant-gardes ? L’usage d’une palette épurée, réduite parfois aux couleurs primaires appliquées sur la toile en vastes zones unies, constitue une des caractéristiques essentielles de la peinture moderne. De Paul Gauguin à Wassily Kandinsky en passant par le simultanéisme de Sonia et Robert Delaunay – quatre peintres dont l’attrait pour les Primitifs modernes est avéré –, les artistes modernes ont exalté la couleur pour la couleur allant même pour certains jusqu’à établir le concept de « couleur pure ». L’exposition Bleu-Rouge-Jaune, la palette des Primitifs modernes est l’occasion d’analyser cette originalité picturale à travers une vingtaine d’œuvres dont certaines n’ont encore jamais été montrées au public.
Marion Alluchon, commissaire de l’exposition
Marion Alluchon est docteure en histoire de l’art et responsable de la programmation art contemporain, design, artisanat, architecture et mode à l’Institut suédois à Paris. Elle est l’autrice d’une thèse sur la réception de l’art naïf, « Du Douanier Rousseau à Gaston Chaissac : la reconnaissance de l’art naïf en France et aux Etats-Unis (1886-1948) » soutenue en 2016 à l’Université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne. Ses travaux portent sur le primitivisme, la modernité et l’art naïf, sa définition, sa réception et ses artistes.
Camille Bombois, La grille rompue, c. 1930. Huile sur toile, 92 x 73 cm © Galerie Dina Vierny

10.11.2022 - 04.02.2023